Quel rôle pour les parlements dans l’Union de demain?

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Des origines à Lisbonne

En 60 ans, le rôle des parlements nationaux dans le processus d’intégration européenne a été radicalement modifié comme on sait. D’après le Traité de Rome, l’Assemblée parlementaire était composée de 142 membres délégués par les parlements nationaux « désign[és] en leur sein selon la procédure fixée par chaque Etat membre » (art. 138-1 Traité CEE). Il était, de plus, attendu que « L’Assemblée élabore[] des projets en vue de permettre l’élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les États membres. Le Conseil statuant à l’unanimité [devait] arrêter[] les dispositions dont il recommandera[it] l’adoption par les États membre, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives » (art. 138-3 Traité CEE). Ceci fut enfin possible en 1974 quand, notamment après le départ du Général de Gaulle, les chefs de gouvernements réunis à Paris se mirent d’accord sur la nécessité d’instaurer des élections au suffrage universel le plus tôt possible. Les parlements nationaux demeurèrent par la suite absents du texte des Traités jusqu’au Traité de Maastricht dans lequel ils firent l’objet d’une déclaration. Le Traité d’Amsterdam renforça encore leur rôle mais c’est véritablement le Traité de Lisbonne qui leur accorda un rôle à part entière : celui de « contribue[r] activement au bon fonctionnement de l’Union » (art. 12 TUE).

En parallèle, l’Assemblée parlementaire, devenue par la suite le Parlement européen, vit ses pouvoirs renforcés progressivement jusqu’à devenir co-legislateur dans pratiquement tous les domaines suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. A mesure que croissaient les critiques face au « déficit démocratique européen », il s’agissait, en effet, d’augmenter toujours davantage les pouvoirs de la seule institution élue directement par les citoyens européens en vue d’assurer la légitimité démocratique des actions des Communautés, et plus tard de l’Union.

Lisbonne et l’attribution de pouvoirs aux parlements nationaux

Cette évolution a conduit à ce que, dans le Traité de Lisbonne, parlements nationaux et Parlement européen soient donc consacrés comme les deux piliers sur lesquels repose la démocratie dans l’Union (art. 10 TUE). Pourtant, sept ans après son entrée en vigueur, force est de constater que cette initiative a échoué. Ceci est visible par exemple dans le référendum pro-Brexit, dans le déclin des taux de participation aux élections européens ou encore dans la montée vertigineuse des partis eurosceptiques au sein du Parlement européen. Bien évidemment, cette crise populiste et démocratique n’est malheureusement pas réservée à l’UE puisqu’elle est aussi visible notamment dans l’élection du président américain Trump. De façon intéressante, elle provoque également une situation inédite dans le cadre de laquelle les parlements nationaux s’érigent comme des acteurs « contre-majoritaires » comme l’illustre la position adoptée par la House of Lords dans le débat du Brexit (G. Martinico). Il n’en demeure pas moins qu’elle invite à s’interroger sur le rôle que peuvent et doivent jouer les parlements nationaux et le Parlement européen à l’avenir si l’on souhaite que l’Union continue d’exister et qu’elle devienne plus démocratique qu’elle ne l’a été. Il n’y a, d’ailleurs, pas lieu à analyser ici si l’Union est réellement non démocratique : ce qui importe c’est la perception qu’en ont les citoyens.

Le Traité de Lisbonne avait attribué un certain nombre de droits et de prérogatives aux parlements nationaux en vue de leur permettre justement de contribuer au bon fonctionnement de l’Union. Force est toutefois de constater que ces instruments – contrôle de subsidiarité, véto en cas de recours à certaines clauses passerelles etc. – sont assez mal adaptés à une participation effective des parlements et sont donc plutôt des « gadgets » (L. Ploegstra). Il en va de même beaucoup des instruments dont ils sont dotés au niveau national qui, pour la plupart d’entre eux, ne leur donne pas de poids réel ou ne le leur en donne que dans des cas extrêmes, comme par exemple le recours à la clause de flexibilité. Par ailleurs, une situation de forte inégalité entre les différents parlements nationaux a fait jour puisque certains n’ont reçu que les droits minimums garantis par les Traités alors que d’autres ont vu leurs prérogatives largement étendues. Cela est aussi vrai dans le domaine économique puisque certains doivent nécessairement donner leur accord pour qu’une assistance financière soit accordée à un autre Etat alors que d’autres n’ont pas leur mot à dire. D’importantes asymétries existent donc entre les parlements des différents Etats membres.

Repenser le rôle des parlements dans l’Union pour la sauver

Dans un tel contexte, il apparaît urgent de remédier à toutes ces lacunes afin que Parlement européen et parlements nationaux contribuent enfin, ensemble et chacun en fonction de leur niveau de compétence, à la garantie de la légitimité démocratique au sein de l’Union.
Pour ce qui est des parlements nationaux, il faudrait tout d’abord leur attribuer des instruments de participation réellement efficaces et attractifs politiquement (on imagine difficilement un député faire campagne sur la base de son action en matière de subsidiarité !). Il faudrait donc envisager que, sans alourdir de trop le processus législatif européen déjà long et fastidieux, les parlements nationaux puissent jouer un rôle plus actif tout au long du processus législatif, et notamment dès qu’il débute. Ils devraient, en outre, être enfin en mesure de contrôler le Conseil et le Conseil européen sur une base collégiale et collective de sorte à permettre un suivi qui aille au-delà du seul contrôle individuel de chacun des représentants devant son parlement comme à l’heure actuelle (si tant est qu’il ait lieu). On pourrait, pour ce faire, s’inspirer de l’Assemblée parlementaire originelle, ce qui permettrait, en outre, non seulement de trouver un usage au second hémicycle strasbourgeois qui est si souvent l’objet de conflits, mais aussi de permettre aux parlementaires nationaux d’enfin mieux échanger informations et meilleures pratiques puisque les initiatives de coopération interparlementaire qui existent déjà à cette fin ne semblent guère les satisfaire tous pleinement. La création d’une telle seconde chambre – qui ne siégerait bien sûr pas constamment – permettrait en outre de résoudre enfin les difficultés auxquelles est confronté le Parlement européen dans sa participation à des politiques dans lesquelles tous les Etats membres ne participent pas.

Une telle innovation requerrait bien sûr une réforme des Traités. En l’absence d’une telle initiative, on devrait, quoi qu’il en soit, œuvrer pour que les initiatives de coopération interparlementaire qui existent actuellement soient rassemblées au sein d’une même structure qui, progressivement, leur permettrait de se spécialiser jusqu’à correspondre aux différentes configurations du Conseil plutôt que ne soient sans cesse créés de nouveaux forums ayant toujours un format et un mode de fonctionnement différents – COSAC, Conférence de l’Article 13 ou Groupe d’examen parlementaire conjoint pour le contrôle d’Europol par exemple. On ne peut, en effet, attendre des citoyens qu’ils se retrouvent dans cette profusion d’initiatives dont on ne saurait espérer qu’elles contribuent à légitimer l’action de l’UE.